Ousmane DIALLO

La quête d’eau en banlieue de Conakry

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Pompe derrière une cour à Conakry ©Ousmane Diallo

La Guinée a beau d’être le château d’eau de l’Afrique de l’ouest, le pays peine encore à ravitailler le ménages en eau courante. La question d’eau préoccupe aussi bien à l’intérieur du pays comme dans la capitale Conakry. La couronne de château d’eau attribuée à la Guinée n’est que de la farce. L’endurance quotidienne des citoyens est à l’extrême.

Depuis plusieurs années, les mois d’avril et de mai sont connus comme les plus chauds de l’année à Conakry. Sans doute c’est aussi le temps le plus difficile pour la population. La quête d’eau n’est point aisée. Durant cette période, de nombreux puits tarissent. Les rares puits qui résistent ne ramènent que de la boue s’il en reste quelques choses. Ni décantation, ni filtration ne règle le problème.

Les bidons jaunes à l’honneur:
Face à cette situation, certains citoyens de la banlieue de Conakry font la queue durant des heures pour s’approvisionner en eau. Le bidon de 20 litres se négocie à 1000 GNF (environ 1€). Certains jeunes ancrés dans le chômage profitent même pour se créer un business afin de joindre les deux bouts. Certains arrivent à se tirer d’affaire.
Du coup, les quelques forages privés dans les quartiers sont pris d’assaut en longueur de journée. Le grand hic c’est aussi la disponibilité de l’électricité pour le fonctionnement de ces points d’eau.

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Borne fontaine à sec dans un quartier de Conakry ©Ousmane Diallo

Ma première fois de faire le fil:
Avec mes deux bidons en main, j’arrive à la pompe derrière la cour de mon voisin. Bouba un jeune de mon quartier est mon poursuivant direct. On se connaissait déjà par les visages. Nous engageons une conversation. Je demande pourquoi ce fil interminable alors qu’il n’y a pas encore d’eau? Il me dit:

“Mon frère je suis arrivée ici à 17h mais 4 personnes sont devant moi, je suis en 5è position. On attend que le courant arrive dans le quartier pour pouvoir puiser. Parfois je passe ici 3 heures voire plus si j’arrive en retard. Nous puisons ici à tour de rôle peu importe le nombre de récipients en possession. Parfois il arrive que certains en viennent au mains. Prière de respecter le fil. C’est un véritable problème”.

Le société en charge de la distribution d’eau ( S.E.G= Société des Eaux de Guinée) ne parvient plus à assurer le minimum d’avant ( 3 fois dans la semaine). Elle évoque des problèmes liés à l’investissement dans le secteur

Les difficultés que la Guinée traverse en général et Conakry en particulier sont dus au manque d’investissements dans le secteur depuis près d’une quinzaine d’années. Les installations qui sont là sont dépassées ou vieilles”.

Elle propose une solution palliative au problème. Des citernes d’eaux sillonnent en alternance les quartiers de Conakry pour desservir certains ménages. Mais peu de citoyens approuve la démarche car, cette eau serait impropre à la consommation.

Pour l’heure, l’orgueil est mis à l’écart et le mal est pris en patience. Le dénouement est attendu avec l’arrivée prochaine des grandes pluies sur Conakry. En attendant les uns vivent de la charité des autres. Nous plaidons la charité pour toujours.

Ousmane Diallo


Le calvaire d’un voyage de vacances (1ère partie)

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©Crédit photo Ousmane Diallo

Après une année scolaire chargée, le mois de juillet que j’attendais avec impatience arriva. C’est la période des grandes vacances. Cette année-là, et pour la première fois, j’ai la chance de passer mes vacances en dehors de la ville de Conakry où je vis. J’ai l’insigne honneur d’aller au village pour rendre visite à quelqu’un que je n’ai connu jusqu’ici qu’à travers des photos en noir et blanc jaunies par le temps: mon grand-père maternel! L’excitation est au maximum.

Nous sommes vendredi, jour de mon départ pour Lélouma, ma préfecture d’origine. J’arrive très tôt à la gare-routière et me présente au guichet. En quelques minutes, le chef de ligne (syndicat) me tend mon ticket de voyage sur lequel est mentionné: « Place N°: 8/9 ». Je comprends que je dois voyager sur la banquette-arrière du véhicule.

Embarquement:
L’intérieur de la Peugeot 505 trahit son aspect extérieur maquillé par une peinture neuve. Sièges grossièrement rapiécés, rétroviseurs incomplets,

tableau de bord mourant… Seuls la radio et les haut-parleurs semblaient survivre du sinistre habitacle. Sur la vitre arrière, une inscription en langue Poular fait froid dans le dos: «  KO ALLAH RENI LAN » (littéralement : C’est Dieu qui veille sur moi), une peur m’envahit et je me dis que le destin me mettra à l’épreuve durant ce voyage.

Me voilà calé au siège arrière pris en sandwich entre un bonhomme, la vingtaine, et une jeune fille resplendissante au regard rehaussé par un joli maquillage. Ce beau tableau me rend subitement optimiste. Je me mets à rêver d’un voyage merveilleux…
Le temps passe et nous avons du mal à sortir des bouchons de Conakry. Ça s’annonce mal. L’embouteillage rend nerveux notre chauffeur sur lequel j’ai un mauvais sentiment depuis le début. A un moment, il donne un coup de frein sec. Non retenu par la ceinture de sécurité (la voiture n’en a aucune), ma tête cogne violemment le passager de devant. J’ai le front enflé.

Comme si cela ne suffisait pas, le chauffeur allume une cigarette alors que l’air chargé de chaleur est déjà irrespirable dans la voiture, pire qu’un four! Je proteste. Il n’en fait que ça tête et va jusqu’à me dire qu’il est un Rasta et qu’il a la droit de fumer dans sa voiture. Le front en flamme, la musique assourdissante, la chaleur et la fumée de cigarette me rendent dingue mais je suis impuissant au même titre que les autres voyageurs silencieux. Je finis par me résigner et m’en remettre à Dieu. On continue.

Nous arrivons au premier check-point. Tout le monde doit descendre pour présenter sa pièce d’identité. Tout se passe bien pour tout le monde, sauf pour le chauffeur. Les dossiers du véhicule sont incomplets. Je souris intérieurement. Invité à s’expliquer sur le défaut des pièces, le chauffeur se montre impoli et arrogant. Il va jusqu’à manquer du respect au commandant, chef du poste. La réaction de ce dernier ne s’est pas fait attendre. Quatre subordonnés de l’officier se saisissent manu militari du Rasta-chauffeur et le plaquent sur le capot brulant de sa Peugeot. Il reçoit 25 coups de cravache en public sur les fesses puis est relâché tout haletant.

Couvert de honte, le visage fermé, le chauffard reprend le volant bon an mal an.  Il essaie de rattraper le temps perdu en accélérant. Seulement, sa vieille voiture ne supporte pas le régime auquel il voulait la soumettre. Le moteur rend l’âme sur une colline. Toutes ses tentatives de redémarrage échouent. Il finit par vider la batterie. Tous les passagers unissent leur force pour pousser la voiture afin de la redémarrer. Mais face à la faim, tout le monde fini par se lasser sans y parvenir. Le chauffeur se lance à la recherche d’un mécanicien et c’est là que nous passons la nuit….

A suivre !
Ousmane Diallo